Quels recours possibles pour une entreprise en difficulté ?
Selon les années, jusqu'à 4 000 entreprises déposent leur bilan en France. Des entreprises en difficulté qui ne disposent plus de liquidités pour faire face à leurs dettes et pour continuer leur activité. Avant d'en arriver à cette situation extrême des mesures, dites préventives, sont prévues pour aider les entreprises à redresser leurs finances quant cela est possible, ainsi que différentes aides et accompagnements. Pour les entreprises dont les difficultés sont avérées, il est aussi possible de recourir à des procédures pour les aider à tenter de redresser leur situation ou pour mettre fin à leur activité.
Les procédures préventives pour une entreprise en passe d'être en difficulté
Pour une entreprise dont la situation est fragile, mais qui n'est pas en cessation de paiements notamment, c'est-à-dire quand elle ne peut plus régler ses dettes à l'aide de son actif disponible (soit ses biens qu'elle pourrait vendre pour honorer ses créances), il est possible pour ces entreprises d'avoir recours à deux procédures préventives : le mandat ad hoc et la conciliation.
Le mandat ad hoc
On parle de mandat ad hoc pour désigner une procédure payante destinée à trouver des solutions préventives aux difficultés qu'une entreprise est en passe de connaître. Il s'agit d'une mesure qui peut lui permettre de réaménager ses dettes en toute confidentialité, sans que ses créanciers, d'autres tiers ou ses salariés n'en soient informés.
Le mandat ad hoc s'adresse autant aux sociétés, aux professions libérales, aux entrepreneurs individuels qu'aux microentrepreneurs qui rencontrent des difficultés d'ordre économique, financière ou social, et elle a pour but de désigner un mandataire qui a en général le rôle principal d'aider le chef d'entreprise à négocier des accords avec ses créanciers (banque, organismes fiscaux et sociaux, fournisseurs) et d'obtenir le rééchelonnement de ses dettes afin d'éviter une cessation de paiements.
Les entrepreneurs en difficulté qui souhaitent bénéficier de la mise en place d'un mandat ad hoc doivent en faire la demande auprès du président du tribunal de commerce dont dépend le siège de leur entreprise pour celles dont l'activité est commerciale ou artisanale ou, pour les professions libérales, auprès du président du tribunal judiciaire du lieu du siège de leur entreprise.
Cette demande doit être formalisée au moyen d'un imprimé appelé "Demande de désignation d'un mandataire ad hoc", qui doit être accompagné des pièces suivantes :
- un extrait Kbis ou le numéro unique d'identification (Siren) de l'entreprise ;
- un état des créances et des dettes ;
- la liste des principaux créanciers ;
- un état de l'actif et du passif (dettes déduites des ressources de l'entreprise et capitaux) des garanties de l'entreprise pour régler ses créances, ainsi que ses engagements hors bilan ;
- les comptes annuels de l'entreprise ;
- un tableau de financement (actif disponible et réalisable, ainsi que passif) des 3 derniers exercices ;
- une attestation sur l'honneur certifiant que l'entreprise n'est pas en cessation de paiements.
La demande est ensuite étudiée par le juge qui, s'il juge la situation appropriée, rend une ordonnance par laquelle il nomme un mandataire ad hoc, qui est le plus souvent un administrateur judiciaire dont les honoraires sont réglés par l'entreprise concernée.
Durant sa mission, en général fixée à 3 mois renouvelables, le chef d'entreprise conserve la direction et la gestion de sa société. La nomination d'un mandataire ad hoc n'est pas rendue publique, mais seulement portée à la connaissance du commissaire aux comptes.
Un mandat ad hoc se termine quand le mandataire a pu aider l'entrepreneur à rééchelonner ses dettes. En cas d'échec, l'entreprise peut être orientée vers une autre mesure préventive, la conciliation.
La procédure de conciliation
La procédure de conciliation concerne les entreprises qui ne sont pas en situation de cessation de paiements depuis plus de 45 jours, qui rencontrent des difficultés ou en prévoient.
Comme pour le mandat ad hoc, l'ouverture d'une procédure de conciliation (aussi appelée requête) doit être demandée par l'entrepreneur ou le dirigeant de l'entreprise en difficulté, selon son type d'activité, au président du tribunal de commerce ou au président du tribunal judiciaire.
De la même manière également, une demande de procédure de conciliation doit faire l'objet d'un courrier, accompagné des mêmes pièces que pour un mandat ad hoc, avec en plus toutefois les documents suivants :
- une description de la situation économique, financière et sociale de l'entreprise ;
- ses besoins en financement ;
- le descriptif des moyens pour faire face aux difficultés de l'entreprise.
Dans le cas où le juge décide de l'ouverture d'une procédure de conciliation, il désigne par ordonnance un conciliateur (généralement un administrateur judiciaire), qu'il peut proposer lui-même ou sur suggestion de l'entreprise en difficulté.
Ce conciliateur, qui est rémunéré par l'entreprise, a pour mission de seconder l'entrepreneur afin de mettre en place des solutions amiables avec ses créanciers destinées à assurer la pérennité de l'entreprise, qui se concrétisent notamment par l'obtention de délais de paiement des dettes, de leur remise ou de leur effacement, ou encore l'arrêt ou l'interdiction de toute action en justice de la part d'un créancier.
Les accords trouvés avec les créanciers sont constatés par une ordonnance ou un jugement du président du tribunal mais ne sont pas rendus publics. Ils peuvent toutefois être portés à la connaissance du Comité social et économique (CSE) s'il en existe un dans l'entreprise concernée.
Ces accords officialisés permettent aux créanciers d'être prioritaires pour les paiements que peut réaliser l'entreprise en difficulté, mais l'ouverture d'une procédure de conciliation ne leur donne plus le droit de demander le redressement ou la liquidation de l'entreprise.
Le mandat du conciliateur est de 4 mois, renouvelable 1 mois maximum à sa demande auprès du président du tribunal (sauf pour les procédures de conciliation ouvertes depuis le 24 août 2020 en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19 dont la durée peut aller jusqu'à 10 mois maximum).
Dans tous les cas, si aucun accord n'est trouvé avec les créanciers, la procédure de conciliation s'arrête après la remise d'un rapport au président du tribunal par le conciliateur.
Les mesures collectives pour une entreprise dont les difficultés sont avérées
Une entreprise dont les difficultés sont avérées, et selon leur niveau, peut être placée sous contrôle judiciaire afin de procéder au paiement de ses dettes. On parle alors de mesures collectives qui peuvent prendre 3 formes : la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire. Ces mesures sont portées à la connaissance des tiers.
Le procédure de sauvegarde
La procédure de sauvegarde s'adresse aux entreprises en difficulté qui ne sont pas en situation de cessation de paiements, c'est-à-dire en faillite, car elle a pour but, justement, d'éviter cette situation.
Une procédure de sauvegarde peut être mise en place à la demande du représentant légal de l'entreprise en difficulté auprès du greffe du tribunal de commerce pour les entreprises commerciales et artisanales, ou du tribunal de grande instance pour les autres types d'activité, dont l'entreprise dépend.
À partir du moment où une procédure de sauvegarde est ouverte, et dont le délai maximum est de 6 à 18 mois, les dettes de l'entreprise concernée sont gelées.
Il s'agit alors pour la justice d'observer la situation économique de l'entreprise, alors que celle-ci continue son activité, dans le but de lui proposer un plan de sauvegarde. Ce plan de sauvegarde, d'une durée de 10 ans maximum, et qui tient compte de nombreux éléments (conjoncture économique, situation comptable, carnet de commande, compétences du dirigeants, etc.) a pour objectif d'étaler le remboursement des dettes de l'entreprise en difficulté.
Le redressement judiciaire
Une entreprise en difficulté peut avoir recours à une procédure de redressement judiciaire. Cette dernière concerne les sociétés qui sont déjà en cessation de paiements et elle a pour but la continuité de ses activités par l'adoption d'un plan de redressement après, comme pour la mesure de sauvegarde, l'observation de l'entreprise en difficulté par la justice afin de juger de sa viabilité.
Le tribunal qui déclenche un redressement judiciaire est chargé de nommer des intervenants avec chacun leur rôle :
- un juge commissaire, membre du tribunal, qui a comme pouvoirs de modifier la rémunération de l'entrepreneur en difficulté, de faire procéder à la vente d'actifs de l'entreprise, d'autoriser le recours à des crédits bancaires à court terme ou le licenciement de salariés pour motifs économiques ;
- un mandataire judiciaire chargé de répertorier toutes les créances de l'entreprise et d'établir un état du passif de cette dernière. Dans ce sens, il représente tous les créanciers ;
- un administrateur judiciaire (même si sa nomination n'est pas obligatoire) dont la mission consiste à aider l'entrepreneur à se redresser en l'assistant dans ses actes de gestion. Si l'entreprise en difficulté apparaît comme viable, l'administrateur propose un plan de redressement sur plusieurs années.
La liquidation judiciaire
La liquidation judiciaire constitue l'étape ultime pour une entreprise en difficulté et en cessation de paiements, dont le redressement s'avère impossible. Elle peut intervenir suite à l'échec d'une procédure de conciliation ou de redressement judiciaire et elle est déclenchée par l'entrepreneur concerné dans les 45 jours maximum qui suivent la cessation de paiements de sa société, qui saisit alors le tribunal. Un créancier ou le Procureur de la République peut également saisir le tribunal dans ce but.
La liquidation judiciaire est prononcée suite au jugement du tribunal qui désigne un liquidateur chargé de vendre les biens de l’entreprise pour payer ses créanciers.
Cette procédure a pour conséquence la dissolution définitive de l'entreprise, soit sa radiation du Registre du Commerce et des Sociétés ou du Registre des Métiers, après cession de ses derniers actifs et le règlement total ou partiel de ses dettes.
Une liquidation judiciaire fait l'objet d'une publication dans un journal d’annonces légales.
La procédure de rétablissement professionnel pour les entrepreneurs individuels
Les entrepreneurs individuels peuvent avoir recours à une procédure spécifique en cas de difficultés. Pour bénéficier de cette mesure, plusieurs conditions sont nécessaires :
- l'entrepreneur ne doit pas avoir cessé son activité depuis plus d’un an ;
- l'entrepreneur doit être dans la situation de cessation de paiements et le redressement de son activité doit être impossible ;
- l'entrepreneur ne doit pas avoir fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ou d’une décision de clôture de rétablissement professionnel depuis moins de 5 ans ;
- l'entrepreneur ne doit pas disposer d'actifs (actif de son patrimoine personnel, hormis sa résidence principale, et de son patrimoine professionnel) dont la valeur est supérieure à 15 000 euros ;
- l'entrepreneur ne doit pas avoir employé de salariés au cours des 6 derniers mois et ne pas être concerné par une procédure prud’homale.
Dans le cadre de l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel, dont la durée est de 4 mois, un juge commissaire et un mandataire judiciaire sont nommés par le tribunal qui la prononce dans le but de régler, voire d'effacer, les dettes de l'entrepreneur. Pendant ce temps, ce dernier conserve la possibilité de gérer et de disposer de ses biens.
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